A MON PÈRE

 

Oraison funèbre pour mon père.

 dite à l'église

le 12 Janvier 2023

(texte adapté pour le lectorat)

 

Quand on a grandi dans un milieu où l’on n’est pas habitué à exprimer ses sentiments, c’est difficile de le faire ensuite dans son propre foyer. Mon père a toujours eu beaucoup de mal à exprimer ses sentiments verbalement, mais il le faisait avec beaucoup de talent par écrit. Il écrivait des poèmes, il écrivait des lettres, des choses très émouvantes.

 

Je vous raconterai juste une petite anecdote : hier je suis passée à la boulangerie où il allait chercher son pain et j’ai dit aux deux boulangères « Vous souvenez-vous d’un petit monsieur tout courbé, avec une casquette ? » La plus jeune m’a répondu aussitôt « Jean ? ». Et elle est allée chercher une lettre qu’il lui avait écrit, en 2015,  parce qu’un jour de pluie, elle lui avait prêté son parapluie. Il lui avait donc donné ce petit mot de remerciement, qu’elle a toujours conservé depuis.

 

Quant à moi, j’ai été habituée à exprimer mes sentiments, parce que ma mère me dit « Je t’aime » à peu près tous les jours depuis ma naissance ! J’ai donc beaucoup de facilité à exprimer mon amour.

Pour mon père, cela a été tout un apprentissage. Ces dernières années, notamment les deux dernières, il a vraiment ouvert son cœur, il est devenu très affectueux, délicat, très à l’écoute, beaucoup plus qu’auparavant. Il a moins écrit, mais il s’est mis à exprimer son amour verbalement, à embrasser, à serrer dans ses bras, choses qu’il a toujours eu du mal à faire.

Nous avons fini notre parcours ensemble, vraiment très proches, nous nous parlions beaucoup, nous embrassions beaucoup.

Je le voyais avec peine décliner physiquement, je voyais sa tristesse de ne plus arriver à faire les choses, d’être tellement fatigué… Puis, il y a eu cette chute en Décembre, apparemment pas très grave en soi, mais qui l’a beaucoup affecté moralement et l’a aussi fragilisé physiquement. La semaine dernière il a pris froid, le Dimanche il n’allait pas bien du tout et a été hospitalisé à nouveau, en urgence. Dans la nuit de Dimanche à Lundi, j’ai su. Je ne cherche pas à vous convaincre, je partage simplement avec vous mon expérience. Je savais qu’il allait partir. J’ai commencé à lui parler cette nuit-là, je lui ai dit « Attends-moi, attends-nous, ne pars pas tout seul ! Nous voulons être avec toi. »

Lundi matin, on nous a appelées des urgences, en nous demandant de venir le plus tôt possible. Nous avons passé, ma mère et moi, plusieurs heures auprès de lui. Il était inconscient.

Dans l'après-midi, nous avons pu  nous retrouver au calme, dans une chambre tous les trois (le médecin nous avait prévenues que cela pouvait durer quelques heures tout au plus). J’étais très triste mais aussi reconnaissante de pouvoir être là, pour l’accompagner, comme je le lui avais promis. Je crois pouvoir dire que ces derniers instants ont vraiment été un moment d’Amour intense, entre nous trois. Je lui ai répété je ne sais combien de fois « Je t’aime ». « Tu peux partir en paix et tranquille, je continuerai à t’accompagner, par la pensée, par le cœur ».

 

Peut-être que vous en douterez, mais dans mon travail et dans mon existence, cela fait des années que j’ai des preuves de l’existence de l’âme, de l’esprit après la mort du corps physique. Et je vous dirai que je continue à parler avec lui, qu’il continue à faire des plaisanteries, parce qu’il avait beaucoup d’humour. Je sais qu’il est là, qu’il nous entend, qu’il est sensible à votre présence, à vos preuves d’amitié et d’amour.

 

Je me suis rendue compte dans ses derniers instants, à quel point cela lui faisait du bien de m’entendre. Il ne pouvait pas parler, mais je voyais à son visage qu’il m’entendait et comprenait ce que je lui disais. Je sais que ce « passage » lui faisait très peur, je pense qu’avec tout cet amour il est parti plus serein de l’autre côté.

 

J’ai juste envie de finir en disant combien il est important de dire aux gens qu’on les aime ! C’est ce qui nourrit le plus : l’amour de nos proches, l’amour des gens en général. Je me souviens quand ma cousine Marie m’a envoyé une chanson de Patrick Fiori, qui dit qu’il faut dire aux gens qu’on les aime tant qu’il est temps. Je vous encourage tous à dire aux gens que vous aimez combien vous les aimez et à garder confiance, car, même si vous n’avez pas pu le leur dire avant, dans l’au-delà ils vous entendent encore.

 

Merci de votre présence, merci de tous vos messages et je suis contente qu’il parte entouré d’amour ici aussi ! Merci.